Salut à toi, grimpeur intrépide. T’es-tu déjà interrogé sur le bien fondé de ta peur ? Est-ce que tu t’es déjà demandé si elle était basée sur un vrai risque ou plutôt sur des suppositions et des impressions pas très réalistes ? Aujourd’hui, je te propose les méthodes de 3 athlètes professionnels pour analyser ta peur et te débarrasser de ce qui n’est pas rationnel. Tu verras, ça allège souvent pas mal le problème. 😉
Ces témoignages sont tirés du livre Fear !, écrit par Roanne van Voorst. Elle est allée à la rencontre de 15 grands sportifs extrêmes pour leur demander de parler de leur peur, et de leurs conseils et astuces pour la gérer. Pour en savoir plus, va faire un tour par ici.
Alex Honnold : La peur est une réaction provoquée par le passé. Ne la laisse pas déterminer ton futur.
Alex Honnold est un grand nom de l’escalade en solo intégral. Il est connu pour avoir grimpé des falaises impressionnantes sans corde, ni aucun équipement de sécurité. Si ses exploits t’intéressent, je te recommande le documentaire Free solo, qui a été réalisé autour de son ascension du mur El Capitan, dans le parc de Yosemite aux Etats-Unis. (Attention, tu vas avoir les mains moites tout du long).
Ne te laisse pas influencer par des incidents passés
Son conseil, c’est de ne pas t’appesantir sur le passé. S’il t’arrive un incident, un imprévu qui t’effraie, accepte-le, et continue sans le laisser influencer le reste de ta progression. Quand tu as failli tomber et que tu es en panique, tu es tenté de croire que ce n’est pas ton jour, que ce sera pour une prochaine fois. Hé ben non. Certes, tu as failli tomber, et alors ? Ca arrive, c’est pas grave, et c’est pas parce que ton pied a glissé à cet endroit que le reste de la voie est compromise. Essaie de rationaliser, accepte que c’est un événement qui appartient au passé et qu’il n’a aucune influence sur la suite. Promis, ça n’a pas rendu toutes les prochaines prises glissantes. 🙂
Progresse par paliers
Ne te mets pas la barre trop haut dès le début. Pour atteindre un but à long terme, augmente progressivement la difficulté et l’intensité de tes exercices. Alex, qui fait du free solo, a commencé par grimper comme toi et moi. Puis il a espacé les points d’assurage, pour rendre la chute plus importante et en augmenter l’enjeu, jusqu’à arriver au free solo. (Bon, arrivé à ce stade, la chute n’est plus vraiment envisageable…)
D’ailleurs, Alex précise bien que les voies qu’il grimpe en solo intégral sont en dessous de son niveau max. Elles sont « faciles » pour lui, il a conscience de ses limites et ne se risque pas sans corde sur une voie où il sait qu’il a des chances raisonnables de tomber.
Don McGrath : Analyse ta peur
Don McGrath est un grimpeur qui s’est penché sur le travail mental nécessaire dans cette discipline (et dans la vie en général, d’ailleurs). Il en parle sur son blog et est auteur du livre Vertical Mind, qui traite de ce sujet.
Deux types de peur
Il a identifié deux types de peur, à bien distinguer pour la comprendre et la traiter : la peur d’échouer et la peur de tomber.
La peur d’échouer, c’est abandonner avant même d’avoir essayé. Ne pas s’en croire capable, ne même pas se laisser une chance de se surprendre soi-même en tentant. Cette peur là est irrationnelle, souvent dictée par nos habitudes, nos croyances négatives. Par exemple, tu n’as jamais grimpé de 6a et tu te dis que ça ne sert à rien d’essayer puisque de toute façon, tu n’y es jamais arrivé, donc tu ne vois pas pourquoi ça changerait. (Ca sent le vécu, tu dis ? Naaaaaaan)
La peur de tomber, elle, c’est la peur des conséquences de la chute. Elle peut être fondée, ou non. C’est elle qui, même si tu es confiant dans tes capacités et que tu te lance, te pousse à abandonner à mi-chemin par peur de ce qui arriverait si tu venais à tomber au prochain mouvement. Par exemple, tu dois faire un mouvement un peu engagé sur ta voie, et tu te dit que si tu tombes, tu vas te raper la tronche sur le mur sur plusieurs mètres et finir à l’hôpital, complètement défiguré (Ca, c’est un exemple purement irrationnel… Et pourtant, je suis sûre que je ne suis pas la seule… Si ? Ah… Bon…)
L’analyse
Ceci étant dit, Don nous propose une méthode d’analyse pour nous aider à décider si oui ou non notre peur est fondée et si le risque vaut la peine d’être pris. Ca permet de relativiser et rationaliser un peu, et de ne pas laisser ta peur prendre tes décisions à ta place.
- D’abord, évalue la possibilité que tu as d’échouer. Quelles sont les chances que tu te foires ? Que tu tombes ? Admettons que tu arrives au crux (passage difficile) de ta voie et que tu sois crevé, il est probable que tu tombes. Bon, très bien.
- Estime ensuite les conséquences d’un potentiel échec. De ta chute, dans notre cas. Tu grimpes encordé, le dernier point n’est pas si loin, tu es peut être même en moulinette, et tu es au milieu de ta voie donc tu ne risques pas de retour au sol. Donc au piiire, tu vas dégringoler de quelques centimètres, ou quelques mètres, tu seras retenu par ta corde et tu te réceptionneras contre la paroi en mettant tes pieds en avant, donc tu ne risques pas de te faire mal. Les conséquences sont minimes.
- L’importance d’atteindre ton but, et le coût de l’abandon. Qu’est-ce que tu gagnes à réussir ? Qu’est-ce que tu perds si tu abandonnes ? Le dernier point à soulever, c’est ce que représente pour toi ce but que tu t’es fixé. Est-ce que c’est une voie que tu travailles depuis longtemps ? Est-ce que tu as besoin d’y arriver pour gagner en confiance en toi et en estime de toi ? Si tu abandonnes, a quel point tu te sentiras déçu ?
Dans notre exemple, on a vu que tu as de bonnes chances de tomber, mais que les conséquences sont quasi inexistantes. En plus, on peut imaginer qu’arriver en haut de cette voie est important pour toi, parce que c’est ton premier 6a et que tu l’as travaillé pendant plusieurs séances. (Non, je ne fais pas de fixette sur le 6a…Je ne vois pas de quoi tu parles…) Dans ce cas, y a pas photo, il faut tenter le coup. Abandonner parce que tu as peur, ce serait le regretter au moment où tu toucheras le sol. Alors courage, respire à fond et avance ! 🙂
Bien sûr, si ton projet c’est de lancer ton entreprise, que tu estimes que tu as une chance assez faible de réussir et que les conséquences sont de te retrouver à la rue avec ta famille, il est peut être préférable de repenser le projet avant de te lancer…
Lynn Hill : Arrête toi. Accepte. Reprends tes esprits. Repars.
Lynn Hill est une légende de la grimpe américaine. Au fil de ses années de pratique, elle a développé une technique qui est devenue un réflexe, et qui l’aide autant dans sa vie de tous les jours que sur la paroi.
Stop
Quand ton corps t’envoie des signaux d’alarme, que tu commences à avoir peur, à perdre tes moyens, arrête-toi deux minutes. Jette un regard objectif sur la situation, et identifie le problème.
Accepte
Fais le point sur ta situation, différencie les faits et les pensées, les conclusions infondées ou erronées que tu peux en tirer. Par exemple, ton pied vient de glisser sur une prise, c’est un fait. Du coup tu as l’impression que tu vas tomber, que tu ne tiens pas sur le caillou, c’est une mauvaise conclusion.
Accepte l’état dans lequel tu es, et reconnais que tes croyances et impressions ne sont rien de plus que ça: des impressions.
Reprends tes esprits
Prends le temps de chercher une solution à ton problème. Par exemple si tu commences à fatiguer et que tu as peur de tomber, cherche un endroit ou tu vas pouvoir te reposer.
Repars
Une fois que tu as les idées claires et que tu as pris un peu de distance avec ta peur, il ne te reste plus qu’à repartir, et appliquer la solution que tu as trouvée. Normalement, tu es plus calme, et tu sais ce que tu as à faire pour palier le problème. Plutôt rassurant, non ?
Voilà, j’espère que ces conseils t’ont aidé à y voir plus clair et à faire le tri ! 😉 Si toi aussi tu as des astuces pour te calmer et repartir sur de bonnes bases en situation de stress, n’hésite pas à les partager en commentaire !
En attendant, j’espère que tu vas surmonter tes peurs, je te souhaite courage, force et robustesse, et surtout bonne grimpe !